Membres honoraires 2022

La Société québécoise d'études théâtrales est fière d'annoncer ses membres honoraires pour l'année 2022!

Par la remise d'un titre de membre honoraire, la SQET vise à souligner une contribution significative à l'évolution et au rayonnement de la scène artistique et/ou du milieu académique en théâtre au Québec.

Nous partageons aujourd'hui l'hommage réservé à Catherine Joncas et à Yves Sioui Durand. Félicitations!

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Merci à la Société québécoise d’études théâtrales (SQET) de me permettre de dire quelques mots – non savants mais bien sentis – sur les fondateur·trice·s d’Ondinnok, Catherine Joncas et Yves Sioui Durand.

On me dit souvent que je suis la maman d’Ondinnok – on pourrait presque dire la grand-mère –, car ma première rencontre avec Catherine Joncas et Yves Sioui Durand a eu lieu en 1983 et Ondinnok n’était pas encore né.

Tout a commencé avec le work in progress du Porteur des peines du monde, présenté en 1983 au colloque « 450 ans après? ». Je travaillais à la programmation artistique qui était réservée aux autochtones. Ce fut un choc pour moi de voir ce rituel et c’est surtout le regard des ainé·e·s sur cette performance qui m’a fascinée. Les sages sur place étaient intrigué·e·s et ému·e·s. On venait de voir quelque chose d’unique sur le terrain du Lac Delage. La suite l’a confirmé.

Peu de temps après cette rencontre, les deux artistes ont déménagé à Montréal près de chez moi et au fil du temps, l’amitié s’est tissée solide. En 1985, le premier FTA – Festival de théâtre des Amériques – voyait le jour. Je les ai encouragé·e·s à présenter leur projet. Ondinnok fut créé et la suite est passée à l'histoire : le prix de l’Américanité pour Le porteur des peines du monde. Depuis cet honneur, la pièce a fait le tour de la planète.

J’ai collaboré plus de 20 ans avec Ondinnok – je dois préciser que j’étais dans le milieu de la chanson à titre d’agente d’artistes. Auprès de Catherine et de Yves, j'ai dû faire mes classes pour découvrir et comprendre un peu la culture autochtone. Un monde s’ouvrait : la nature, la forêt, les roches, les rivières, les corbeaux, la tortue, la spiritualité, en somme un écosystème où tout était relié.

On ne veut plus entendre : LA TERRE M’APPARTIENT

MAIS J’APPARTIENS À LA TERRE.

Pendant des années, j’ai dû justifier devant des collègues et ami·e·s qui ne comprenaient pas ce que je faisais avec un théâtre autochtone. La promotion de cette compagnie n’était pas de tout repos. Tant auprès des journalistes que du grand public. Difficile aussi de rejoindre les communautés mais quand les femmes atikamekws de Manawan ont demandé à Ondinnok de faire quelque chose avec elles pour contrer la violence, cette compagnie de théâtre trouvait une de ses raisons d’être et les choses allaient changer.

Une des forces de ce couple est de s’entourer de collaborateur·trice·s de haut calibre – et de divers milieux artistiques et cela dès le début : par exemple Michel Ducharme chanteur d’opéra, Michel Smith compositeur de musique contemporaine, Fred Messier jeune metteur en scène, Guy Simard aux lumières et maintenant à l’Opéra de Montréal.

Yves Sioui Durand a su moderniser avec respect un corpus de culture immémoriale inconnu du grand public.

Il·elle·s ont travaillé avec les premiers peuples de l’Amérique du Sud dans une perspective pan-amérindienne. C’était d’une audace et d’une grande originalité.

Catherine et Yves ont œuvré à la formation des jeunes artistes que l’on voit arriver aujourd’hui sur nos scènes de plus en plus. ENFIN!

Je crois que leur persévérance sans borne aura été leur atout majeur. Dans une semi-retraite aujourd’hui, il·elle·s continuent de parrainer des projets innovateurs.

En terminant, je veux remercier le professeur Jean-Francois Côté qui a réuni et édité les écrits théoriques, poétiques et polémiques de Yves Sioui Durand dans la collection « Américana » des Presses de l’Université Laval.

Tout comme Clément Cazelais, un collaborateur, professeur de théâtre et ami, je suis heureuse et fière de voir Catherine Joncas et Yves Sioui Durand nommé·e·s membres honoraires 2022 par la SQET.

Lucienne Losier

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C’est un honneur pour moi de souligner la remarquable contribution de Yves Sioui Durand et de Catherine Joncas depuis tant d’années à la renaissance du théâtre autochtone au Québec, au Canada et dans toutes les Amériques. Il·elle·s ont œuvré à l’édification du théâtre amérindien mais aussi, par leur implication, au développement d’autres sphères du domaine artistique : poésie, cinéma, littérature, entre autres.

Auteur·trice·s dramatiques, poète·sse·s, metteur·e·s en scène, comédien·ne·s, cinéastes et réalisateur·trice·s. Grand·e·s voyageur·se·s, à bord de leur canot, il·elle·s ont remonté et redescendu les rivières du Québec, du fleuve jusqu’à Fort Georges, vers l’est, vers l’ouest, du nord au sud. Il·elle·s ont emprunté les routes des ancêtres pour recueillir les témoignages et les espoirs des communautés des Inuits du cercle polaire jusqu’aux communautés de la Terre de feu, en Patagonie. Des œuvres marquantes de leur répertoire ont pris racine dans les récits mythologiques, artistiques et culturels de ces peuples plusieurs fois millénaires. Ils ont su faire jaillir l’appartenance commune des fondements culturels des peuples fondateurs des trois Amériques et faire mentir la soi-disant grande découverte de Christophe Colomb. Dans les faits, ce Colomb a découvert qu’il y avait de vieilles civilisations déjà là avant lui. Depuis plus de 35 ans, Yves et Catherine sont de la race des pionnier·ère·s qui se sont attelé·e·s à la tâche de constituer, par l’art du théâtre, une autohistoire amérindienne tant souhaitée par l’auteur huron Wendat Georges E. Sioui. Cette autohistoire va maintenant à une vitesse pleine d’espoir. Les Autochtones ont le vent dans les voiles, dit-on, mais le combat pour la vérité n’est pas terminé, pour une réconciliation authentique; il ne fait que commencer.

N’étant pas Amérindien moi-même, j’ai pris fait et cause pour le cheminement artistique professionnel d’Ondinnok si caractéristique dans sa recherche d’une authenticité du propos et de sa traduction dans des formes toujours renouvelées et d’avant-garde. Depuis les années 1990, Ondinnok est devenu ma maison. J’y suis entré à de multiples reprises, sur invitation, bien sûr, et pour des projets chaque fois différents. Ce qui m’a touché le plus dans leur démarche, c’est l’énergie puissante à vouloir former les jeunes artistes autochtones au monde de l’art et de voir l’art authentique surgir de leur être profond. Bravo pour cet engagement et surtout pour les résultats concrets pour transformer les mentalités dans toute la société canadienne et québécoise par le chemin de l’art vers la réconciliation entre nos peuples.

Clément Cazelais

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